Leonera

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Malgré une mise en scène parfois trop illustrative, « Leonera » est un portrait émouvant de la condition des femmes en prison, de leur relation à la maternité et à la féminité, qui s´essouffle cependant sur la fin.

Une jeune femme se réveille, le visage tuméfié et maculé de sang. Intense et efficace scène d’ouverture que ce gros plan au grain épais et aux couleurs vives. ..

« La maternité, la solitude, l’amour, la détention, l’espoir »

Ce qui fait la force des deux premiers tiers du film, c’est précisément ce qui va manquer ensuite : le scénario parvient à dépasser la trajectoire individuelle de Julia pour en faire l’incarnation de la maternité en détention. L’actrice argentine Martina Gusman porte avec finesse son rôle, en évitant le piège de la performance. Elle incarne sans chichis ni déballage lacrymal la dureté de la vie en détention, le manque d’affection et la relation fusionnelle avec son enfant qui en découle. Les intentions du réalisateur sont atteintes : « Leonera n’est pas un récit cinématographique, mais un lieu de débat et de réflexion. La maternité, la solitude, l’amour, la détention et l’espoir sont les axes directeurs de ce film. »

Le traitement naturaliste, quasi-documentaire, n’empêche pas des séquences bouleversantes, où l’enfermement souligne l’humanité des prisonnières : il faut voir ces femmes danser et s’embrasser lors d’un dîner de Noël, cernées par les murs et les barbelés, un surveillant déguisé en père Noël perché en haut des murailles. On frise le cliché, mais on n’y tombe pas, grâce sans doute au traitement réaliste qui fait surgir la vérité des êtres au cœur de la fiction.

Un univers pictural inspiré

Les gros plans clairs-obscurs donnent à voir des corps de femmes difformes, abîmés mais curieusement esthétiques, le tout sans pathos ni voyeurisme. Des femmes dignes de celles de la peinture vénitienne ou de celles qu’a peintes le Colombien Botero, pour la nudité et pour les formes, dans un décor surréaliste : des jouets d’enfants et des couches parsèment le quartier réservé aux femmes ayant accouché en prison.
« Ici, ce n’est pas la prison », dit une détenue à Julia. En effet, outre l’enfermement et la présence de surveillants, on a l’impression de se trouver dans un espace de relative liberté, en tout cas très cinématographique (qui peut rappeler le quartier dépeint dans Gomorra, pour les murs bétonnés et la grisaille). Le réalisateur évite les clichés des « films de prison » en ne caricaturant pas les personnages : pas de violence pour la violence. S’y substitue plutôt un érotisme jamais exagéré, toujours sur le fil.

Leonera : « la cage aux lionnes »

Pablo Tropero nous dépeint avec justesse un monde replié sur lui-même, dans lequel l’enfermement apparaît dans toute son absurdité, où les femmes deviennent des « lionnes ». Leonera n’est pas un film politique, mais on peut y voir une critique du système pénitentiaire qui ne permet pas aux mères en prison d’élever leur enfant avec dignité. Toutefois, le réalisateur centre son propos autour de la maman, Julia, et finalement peu autour du fils qui naît, Tomas, prétexte à la mise en lumière de la situation de ces femmes.
Bientôt, la mère de Julia, (incarnée par l’étonnante Elli Medeiros) force les lignes du débat sous-jacent en exigeant que Tomas sorte de prison, alors que sa fille s’y accroche comme à ses dernières racines. C’est à ce moment que le scénario s’affaiblit, et prend un tour plus conformiste, peinant à résoudre le dilemme posé par la décision de la mère de Julia.

Un scénario qui s’essouffle

Julia a-t-elle commis un meurtre ? La réponse est vite évacuée au profit de son vécu de jeune mère en prison : c’est là la réussite de la première partie du film. L’équilibre ténu entre crudité documentaire et mélodrame est moins convaincant dans la dernière partie qui se recroqueville sur des ressorts dramatiques stéréotypés : la jeune maman en guerre contre l’administration pénitentiaire, la relation de tension avec sa mère, la révolte des prisonnières, jusqu’à la conclusion scénaristique un peu frustrante (que nous ne dévoilerons pas ici !).
Ne gardons donc en tête que ces images de mères entre quatre murs, ces séquences pleines d’humanité retrouvée, jusqu’au générique porté par des chants d’enfants, comme un hymne à la liberté.

Titre original : Leonera

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Durée : 113 mn


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