Le voyage aux Pyrénées

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Le nouveau long-métrage des frères Larrieu achève de confirmer que l’été est bien propice aux plus réjouissantes excursions cinématographiques. Un modèle de comédie populaire française.

Le voyage aux Pyrénées a pour premier charme d’être pour les frères Larrieu l’occasion d’une totale mise au point quant à leurs manières et obsessions. Tout ici est d’autant plus  parlant  que rien ne cherche à dissimuler son caractère ouvertement  signé , marqué du fer brûlant d’un cinéma ayant l’érotisme pour seul horizon. Qu’Alexandre et Aurore, fameux acteurs parisiens, incarnés ici par les fantasques Jean-Pierre Daroussin et Sabine Azéma, cherchent dans ce séjour aux Pyrénées l’occasion de s’éclipser de leur milieu, est certes le point de départ du récit. Mais, très vite, est lâché le mot résumant à lui seul l’origine profonde de ce provisoire exil : « nymphomanie ». Outre une retrouvaille avec la nature, le doux silence des montagnes, c’est la manifestation d’un frisson, d’une fougue longtemps perdue qui est recherchée.

D’une manière plus évidente, moins abstraite que précédemment, le cinéma des Larrieu assume son caractère un peu leste, toujours à la lisière d’une certaine perte de vue de ses enjeux. Pouvait décevoir dans leurs précédents films, surtout dans Un homme, un vrai, l’excessive tendance des cinéastes à accumuler les signes d’une certaine quête de non sens, sans réellement s’assurer de leur interraction. S’enchaînaient les élans de liberté, les variations d’humeur et d’aspect sans que soit vraiment perceptible la  réalité  d’une expérience. Les coutures restaient visibles, sans doute à dessein, mais au détriment d’une ouverture, pourtant bénéfique, de leur art aux vertiges du réel, au tremblé d’une situation. Partant d’une aspiration à la fantaisie toute aussi libre de cohérence, ce Voyage aux Pyrénées gagne à faire de son terrain d’élection la matière première de cette instabilité.

Aurore et Alexandre arpentent plaines et montagnes avec un constant mélange de disponibilité à l’étrange (pour ne pas dire l’ « étranger », si l’on relève l’emploi drolatique du langage, notamment dans la communication avec Tenzing, leur hôte tibétain), et de crainte de voir surgir au loin une Bête plus ou moins enfouie. Chaque rencontre porte son probable danger, l’insinuation d’une dégringolade toujours différée. Question éminemment cinématographique que celle de l’avancée aveugle, de l’engagement dans l’Inconnu avec conscience permanente, sinon de se perdre, dans tous les cas d’en revenir, avec plus, ou moins, que son identité première. Fin du détour pour les frères, entrée dans le vif de leur sujet : la fiction sera cette fois celle du risque (esthétique et narratif).

La question du sexe ne sera pas ici le lieu d’une incontrôlable manifestation de désir, avec nudité et exhibition généralisée, mais plutôt le prétexte à une réjouissante ouverture des personnages à leur propre méconnaissance, leur constante redécouverte. Le désir devient vecteur d’une nouvelle écoute, d’un nouveau regard de l’homme sur la femme, et inversement. Perdu en montagne, reclu dans un gîte en attente de sa dernière heure (surgissement de la Bête), le couple feindra de se désirer à nouveau, sans être bien certain du caractère réel de ses gestes. La peur de la mort s’accompagne d’une soif de toucher et d’une sensibilité supplémentaire. Le ton reste léger, les acteurs décalés, mais la situation ne cesse de s’affirmer concrète. Ivresse folle de l’urgence, naissance en « temps réel » d’un état de grâce jusqu’ici seulement frôlé.

Le talent de cinéastes des frères Larrieu n’a certes pas attendu ce film pour être deviné. Déjà, La brêche de Roland, moyen-métrage exploité en salles en 2000 (avec l’ami Amalric), faisait montre d’une maîtrise formelle et scénique rare, jusque dans les séquences les plus incertaines. Au-delà de cette seule question de mise en scène, c’est surtout la fidélité de ces derniers à leurs origines (ils tournent ici dans leur région de naissance), leur emploi toujours nouveau d’éléments familiers, qui fascine un peu. Retour de Sabine Azéma après Peindre ou faire l’amour, un peu semblable, pourtant inédite. Irruption soudaine de Philippe Katerine, qui signa précédemment leurs bandes originales.
Appétît pour l’érotisme donc, et sa dilution dans des massifs toujours vivifiants, bien qu’assez abrupts.
Se cache dans cette fidélité comme une sagesse, un apaisement stylistique semblant se confirmer encore, mais l’air de rien. Dévoiler tous leurs secrets serait malvenu : ces derniers sont sans doute les auteurs de comédie française les plus intéressants de l’époque. Toujours soucieux d’une réception massive de leurs jolies bêtises (c’est un vrai film « populaire »), mais trop conscients du risque de cette recherche de plaisir (dans toutes ses acceptions), pour se résoudre à renoncer aux joies de l’ambiguïté.

Titre original : Le Voyage aux Pyrénées

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Durée : 102 mn


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