Le Vieux jardin (Orae-doen jeongwon)

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Dans Le Vieux jardin, amour et idéologies se mêlent et s´entrechoquent.

Le Vieux jardin pourrait être une simple histoire d’amour, mais c’est en réalité bien plus que cela car celle-ci a pour toile de fond les agitations politiques connues par la Corée du Sud en mai 1980, à Kwangju. Im Sang-soo place ici le spectateur face à lui-même, l’obligeant ainsi à réfléchir aux questions concernant l’amour, mais surtout l’engagement personnel, les convictions et les idéologies. Jusqu’où doit-on, ou peut-on aller pour défendre ses idées ?
Nous sommes devant une prise de conscience : celle de Hyun-woo, militant socialiste qui, après 17 ans de prison, revient sur les traces de son histoire. Il suit alors une sorte de parcours où se bousculent les images de son passé. Remords ou regrets ? Difficile à dire à la vue de son visage qui ne laisse pas réellement transparaître ses émotions, comme si une certaine distance (nécessaire ?) s’était emparée de lui. Il regarde défiler, de loin, la vie à côté de laquelle il est passé…

Au mois de mai 1980, Hyun-woo fuit Kwangju lors d’une manifestation étudiante vivement réprimée par l’armée. Pour s’échapper, il se réfugie dans les montagnes où il rencontre Yoon-hee, une jeune femme professeur qui l’accueille chez elle. Par la suite, ils vivent une belle histoire d’amour quasi hors du temps, coupés du monde. Les quelques coups de fil que passe Hyun-woo à ses camarades sont les seuls liens qui les rattachent à la réalité. Une réalité qui les rattrape vite et les sépare lorsque Hyun-woo décide de retourner en ville pour continuer son combat.

L’amour existant entre les deux personnages se trouve bouleversé par cette rupture. Cela permet au réalisateur de confronter deux univers ainsi que deux modes de pensée. L’un comme l’autre paraissent d’accord sur le fond du mouvement, mais pas sur la forme : on a le sentiment que Yoon-hee ne comprend pas, et n’accepte pas, le sacrifice qui peut être fait au nom d’une idée, d’une idéologie. Le film s’interroge donc, et le spectateur avec, sur le bien-fondé des révolutions : doit-on faire passer l’esprit collectif avant l’individu ? Ne vaut-il pas mieux être égoïste et vivre pour soi ? On ressent une pointe de pessimisme, par le biais de Yoon-hee qui assiste à cette révolution en tant que spectatrice, contemplant ce monde qu’elle ne comprend pas. Pour elle, celui-ci évoluera avec ou sans eux, et même après eux, il continuera de tourner, de travers.

Par cette réflexion, le film renvoie le spectateur à lui-même ; ce dernier se retrouve alors confronté à ses propres questionnements, engagements, convictions… A travers cet aspect-là, le film apparaît très politique, se fondant sur les idéologies, les modes de pensée et les différentes visions et approches du monde de chacun.

Afin de nous faire revivre tous ces événements en même temps que Hyun-woo, Im Sang-soo commence par la fin. Le film débute au moment où Hyun-woo sort de prison. Ensuite, grâce à une mise en scène bien menée, alternant présent et passé, on est entraîné aux côtés de Hyun-woo. On flotte alors dans cet univers, perdu entre rêves et réalité, où passé et présent se rejoignent pour mieux se séparer à nouveau. Entre le temps présent et les retours en arrière, les deux personnages s’égarent parfois dans leurs propres rêves. De temps en temps, ils s’y croisent, en un même lieu mais à différentes époques, comme si leurs souhaits allaient au-delà. On s’emmêle agréablement les pinceaux, tout comme les personnages, ne sachant parfois plus où se trouve la frontière entre le rêve et la réalité.

Dans Le Vieux jardin, amour et idéologies se mêlent et s’entrechoquent. Deux visions du monde aussi. Chacun reprend sa route. Qui détient la bonne réaction face à cette société dans laquelle ils sont plongés ? Les deux peut-être…

Titre original : Orae-doen jeongwon

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Durée : 112 mn


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