Le Prochain film

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Réflexion sur l’amour et le cinéma, le nouveau René Féret est inattendu et nous fait espérer, après cette petite pause estivale, un film plus grave sur Tchekhov.

Après quelques films en costumes et en musique, René Féret revient à un genre de cinéma plus proche de la vie de tous les jours, même s’il s’agit de raconter, à fleur d’images, les affres du créateur, en l’occurrence un cinéaste en mal de création voulant écrire un film pour son frère, acteur qui voudrait jouer la comédie. Bien sûr, on pense un peu à Federico Fellini, même si son immarcescible Huit et demi (1963), qui racontait presque la même chose (le jeune frère en moins), est un idéal difficile à dépasser ou à imiter, ainsi que René Féret le reconnaît lui-même dans l’entretien qu’il nous a accordés. En effet, il est évident que René Féret n’a pas la prétention de nous livrer un film aussi indépassable. Le Prochain film, et il faut se pencher sur la signification de son titre, est en fait un film à faire, qui tente de se faire et qui se fera – ou ne se fera pas – mais qui prépare déjà le prochain, le suivant, comme si l’artiste était sans cesse en quête des moyens de réaliser son prochain projet.

Il faut alors observer que le réalisateur de Baptême (1989) et de La Communion solennelle (1977) propose mine de rien une réflexion sur la création, qu’elle soit littéraire ou cinématographique. Lorsqu’il s’agit de faire vivre des personnages, s’il faut dans la nouvelle ou le roman se heurter aux difficultés de la narration, l’affaire devient encore plus compliquée lorsqu’il s’agit de réaliser un film. Il faut tenir compte du scénario qui, ici, toujours à la manière de Fellini, a l’air de se construire en même temps que le film, même si ce n’est bien sûr qu’une illusion, une facétie du metteur en scène visant à brouiller les pistes et faire croire qu’il ne sait pas où il va. Il faut se heurter aussi aux caprices et desiderata des acteurs et actrices, et René Féret sait sans doute de quoi il parle puisqu’il a vécu quelque temps avec une comédienne. De plus, s’est-il inventé ce frère imaginaire qui le rend chèvre en voulant que son film soit une comédie ? On ne le sait pas, et toujours est-il que le producteur existe sans doute réellement et qu’il est un élément de la création cinématographique non négligeable. En outre, le film est une belle réflexion à la manière allénienne sur l’imbrication de la vie privée et du cinéma dans cette manière extravagante et loufoque de dépeindre le quotidien d’un réalisateur.

 

 
 
Il faut dire maintenant que René Féret ne nous avait pas habitués dans ses précédents films à cette sorte de légèreté, voire de fausse insouciance, comme s’il s’accordait une pause pour mieux retrouver l’inspiration des films graves ou sociétaux qui l’ont rendu célèbre. À ce niveau, le titre Le Prochain film prend alors tout son sel, comme si celui-ci n’en était que le prologue. Comme si, à la manière du Guido de Fellini, il ne parviendrait pas à agencer toutes les pièces du puzzle, comme s’il nous offrait un film déjà raté, impossible à faire, à diriger. Et c’est à ce titre qu’il obtient toute sa force en proposant au spectateur d’accepter, comme le réalisateur et ses comédiens, d’entrer dans le jeu des apparences et de se laisser porter par une histoire en train de se faire presque devant nos yeux – comme dans Stardust Memories (1980) de Woody Allen, qui est déjà un hommage à Huit et demi.
 
Il faut dire qu’il est particulièrement bien assisté par son équipe : Antoine Chappey, Sabrina Seyvecou dans les rôles respectifs du frère et de l’épouse. Mentions spéciales à Marilyne Canto qu’on ne présente plus et à Frédéric Pierrot – excellent dans le rôle de Pierre Gravet, le réalisateur, presque aussi convaincant que dans Elle s’appelait Sarah (Gilles Paquet-Brenner, 2010) – qui dégagent un charme et une présence incroyables. Et, comme toujours, dans les films de René Féret, on retrouve l’équipe familiale et amicale qui traverse presque chaque film : Lisa et Marie Féret, mais aussi Christophe Rossignon dans le rôle du producteur en deus ex machina et qui jouait déjà dans Madame Rosario (2012). Le Prochain film, est-ce alors ce film en train de se faire, en train de trouver une issue même de secours, en train d’écrire un scénario autour d’une histoire qui, comme toutes les histoires, pourrait être complètement différente et tout à fait la même ? Le prochain film, nous prévient alors René Féret, sera le tournage d’un film sur Anton Tchekhov qu’il a développé autour d’un évènement de la vie de l’écrivain qui, à l’âge de 29 ans, décidait de tout abandonner pour aller témoigner de la réalité de l’enfermement des bagnards dans l’île de Sakhaline. Comme quoi, René Féret, ce cinéaste du Nord, sait raconter toutes les histoires d’un monde protéiforme.

Titre original : Le Prochain film

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Durée : 80 mn


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