Le cinéma américain paranoïaque des années 70

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Quand une situation socio-politique trouble donne une période cinématographique passionnante du cinéma américain.

L’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy marqua la fin de l’innocence pour le peuple américain. Au retour de la Seconde Guerre Mondiale, le temps était au rassemblement, à une imagerie bienveillante et « americana » de la société américaine, où l’Etat veillait au bien-être de ses citoyens contre les menaces extérieures comme le communisme. Le cinéma suivait en partie cette voie durant les années 50 avec des productions éloignées du réel comme les comédies musicales MGM, ou à mi-chemin entre cette facette proprette et un fond social plus sombre avec les grands mélodrames Universal. Les questionnements politiques du moment étaient abordés de manière détournée et symbolique (notamment le maccarthysme), ou étaient totalement absents des films de guerre, alors que se déroulait pourtant la Guerre de Corée.

Cet âge d’or sembla se prolonger au début des sixties avec l’élection du gendre idéal de l’Amérique – JFK – mais sa mort brutale en sonna le glas. Pour la première fois, cette sécurité paisible de façade volait en éclat lorsque l’homme le plus puissant du monde était abattu dans des circonstances douteuses. Le cinéma allait se faire le relai de cette période de doute avec des thrillers où la menace venait désormais autant de l’intérieur que de l’extérieur comme Un Crime dans la tête et Sept Jours en mai de John Frankenheimer. Des films précurseurs de la réelle vague paranoïaque à venir et qui trouveront leur raison d’être avec le scandale du Watergate. Le danger se fait indicible dans le Klute d’Alan J. Pakula avant d’être réellement politisé via un Etat désormais oppressant dans Conversation secrète, Les Hommes du Président ou Les Trois Jours du Condor. Le traumatisme JFK se voit désormais attribuer des origines troubles dans le méconnu Complot à Dallas, les groupuscules et agences gouvernementales aux desseins indéfinis envahissent l’inconscient collectif dans A Cause d’un assassinat.

Autant de pistes passionnantes que nous allons aborder au fil des différents films traités pour ce Coin du cinéphile. Bonne lecture ! Nous reviendrons en septembre pour une thématique consacrée à Blake Edwards à l’occasion de la rétrospective à venir à la Cinémathèque.


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