Le Choc des mondes (When Worlds Collide – Rudolph Maté, 1951)

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Naïf et précurseur, un impressionnant spectacle de fin du monde.

Le bombardement d’Hiroshima et la découverte de la puissance destructrice de l’arme nucléaire aura placé le monde dans une forme d’inquiétude où son destin ne tenait plus qu’au fil de la volonté des dignitaires aptes à appuyer sur le bouton rouge déclencheur. Aux États-Unis, cette menace se ferait plus concrète avec l’obtention de la bombe atomique par l’URSS et le contexte de la Guerre froide placerait l’Amérique des années 50 dans la peur constante d’une attaque soviétique. Le cinéma se nourrira de ces peurs à travers des œuvres où le feu nucléaire frappe concrètement (le crépusculaire et désenchanté Le Dernier rivage de Stanley Kramer en 1959) ou plus symboliquement par le biais de la science-fiction.
 
 
 
 
Dans ce registre, le réalisateur/producteur George Pal est passé maître grâce à des productions marquantes comme les deux adaptations éponymes de H.G Wells La Guerre des mondes (Byron Haskin, 1953) et La Machine à explorer le temps (George Pal, 1960). Le premier montrait une terre décimée par l’attaque de martiens belliqueux et le second présentait un futur lointain régressif suite à une supposée catastrophe nucléaire. Le film qui lance cette vogue pour George Pal est donc Le Choc de mondes, sorte d’ancêtre aux récents Armageddon (Michael Bay, 1998) ou Deep Impact (Mimi Leder, 1998) mêlant éléments de science-fiction et arguments qui feront le sel du film catastrophe dans les 70’s. Georges Pal confie la réalisation à Rudolph Maté, solide artisan d’abord consacré pour son travail de directeur photo (des petites choses comme La Passion de Jeanne D’Arc – Carl Theodor Dreyer, 1928 ; Liliom – Fritz Lang, 1934 ; Gilda – Charles Vidor, 1946 ; ou La Dame de Shanghaï – Orson Welles, 1948) avant de se muer en très efficace cinéaste de genre dans le film noir (le formidable Mort à l’arrivée en 1950) ou le péplum (l’épique Bataille des Thermopyles en 1962, aux antipodes de la version de 2007 de Zack Snyder). Ainsi entouré et nanti du confortable budget de la Paramount, le film offre une tenue visuelle des plus satisfaisantes et remportera même l’Oscar des meilleurs effets spéciaux cette année-là. Dans la plus pure tradition du genre, l’intrigue mêle grands sentiments et effets spectaculaires avec justesse, rendant la première partie du film précédant la catastrophe tout à fait prenante. On suit dans un premier temps les tentatives désespérées des scientifiques pour avertir un monde incrédule, puis le récit narre la longue préparation au départ par voie de fusée, financée par des milliardaires philanthropes, s’attardant parallèlement sur le destin de quelques personnages.
 
 
 
 
On sent tout de même le grand produit familial sans aspérité dans le manque d’approfondissement de certains thèmes, de moments qui pourraient orienter le projet vers plus de noirceur. Ainsi, lorsqu’après le premier impact les héros approvisionnent quelques survivants en hélicoptère, ceux-ci les remercient chaleureusement et ne tentent pas de s’enfuir de force avec eux. Le tournant violent que prend le tirage au sort des désignés pour l’arche tourne court également alors que l’on pouvait imaginer de vraies émeutes sanglantes. Les productions George Pal sont surtout, malgré les thèmes abordés, des œuvres grand public lisses et où la facette religieuse est des plus prononcées, le film s’ouvrant ici sur la Bible (avec citation solennelle de L’Ancien Testament en voix off) et la planète refuge Zyra offrant dans la conclusion des visions dignes d’une brochure de Témoin de Jéhovah avec son jardin d’Éden naïf et grossier. Seul le personnage de milliardaire joué par John Hoyt voulant à tout prix sauver sa peau et le héros incarné par Richard Derr ne s’estimant pas digne d’être sauvé amènent quelques rebondissements moins prévisibles.
 
 
 
L’histoire d’amour avec Barbara Rush et la rivalité amoureuse sont ainsi lisses au possible mais suffisamment bien traitées pour qu’on ne sombre pas dans l’horreur lacrymale du descendant Deep Impact, la courte durée du film (79 minutes à peine) amoindrissant ses scories. Les effets spéciaux de l’époque sont remarquables de bout en bout, que ce soit le très impressionnant festival de destruction massive (les maquettes sont splendides), les beaux matte painting nous montrant les grandes cités sous les eaux ou encore l’envol de la fusée « arche de Noé ». On reprochera juste un matte painting des plus grossiers lors de l’arrivée finale sur la planète Zyra, à l’origine destiné à la promotion et que George Pal souhaitait remplacer par une maquette, ce que la Paramount lui empêcha puisqu’elle sortit le film avant qu’il ne la termine. Le score de Leith Stevens gorgé de chœurs célestes et emphatique en rajoutera encore une couche dans le kitsch biblique (avec David et Joyce débarquant les premiers en nouveau Adam et Eve sur Zyra). Seuls quelques élus auront le droit d’accéder à ce paradis loin de la folie des hommes. Ces touches un peu trop marquées prêtent bien sûr à sourire, mais ne sont pas si désuètes que cela puisqu’on les retrouvera dans des productions récentes comme le Prédictions (2009) d’Alex Proyas, plus ambiguës et sans la candeur vintage de ce classique SF que demeure Le Choc des mondes.

Titre original : When Worlds Collide

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Durée : 83 mn


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