La Roche-sur-Yon : Jours 1 et 2

Article écrit par

5ème édition du festival de La Roche-Sur-Yon : spleen et premiers pas trempés.

Vendée ; deuxième jour de festival. Pas loin de la mer, mais surtout lessivée par la pluie pour le moment, La Roche-sur-Yon est un peu grise – pas mal vide aussi -, comme imprégnée par les lueurs de déception douce des premiers films découverts la veille.

La Princesa de Francia, moyen métrage argentin présenté en compétition Nouvelles Vagues, vaut pour ses quelques minutes d’ouvertures, quand une caméra aérienne embrasse les lueurs d’une ville avant de s’arrêter en plongée sur un match de football nocturne, au beau milieu d’un terrain éclairé. Des filles se lancent la balle pendant un moment quand soudain « la » goal s’échappe, encerclée par ses partenaires devenues menaces. Le champ s’ouvre alors qu’elle fuit, s’échappant dans les coulisses du terrain, suivie par la caméra soudain mobile, vive. Plus tard, la métaphore du jeu, amoureux et physique, s’inscrira plus platement dans une adaptation radiophonique d’une pièce de Shakespeare, avec multitudes de personnages et de trahisons sentimentales verbieuses.

Le long métrage du soir, auquel s’accolait une soirée, était Eden, co-écrit par le DJ Sven Hansen-Løve avec sa sœur Mia. Pour une première incursion dans la production d’un film à budget costaud, avec reconstitution soft des 90’s et des années 2000, la cinéaste manie avec souplesse le délicat dosage entre scènes de fêtes dans les clubs parisiens et goût pour la véracité individuelle de son cinéma, récit d’une mouvance – le Garage, version plus disco de la House – en même temps qu’intimité doucement torturée. Ici c’est le frère qu’on ausculte, son ascension comme DJ lors des soirées Respect et Cheers dans le Paris qui a simultanément vu naître la French Touch et ses représentants les plus fameux, les Daft Punk. Près de 15 années balayées autour d’une bande d’amis, DJs, journalistes, dessinateurs, et puis copines autour.
 

Divisé en deux blocs, l’ascension et le déploiement des garçons et de Paul, au milieu des amours en train de se vivre ; puis la noyade dans la drogue et une musique que moins de gens écoutent, et ce dégoût de soi qui ne prendra fin qu’avec un aveu de faiblesse fait à la mère, après une ultime déception amoureuse. Tout dans le film respire l’art de Mia Hansen-Løve: amours de jeunesse qui hantent et ne lâchent vraiment jamais, mélancolie proprette et jeunesse mutique et belle, pas bien fun mais très photogénique.

Bel ouvrage un peu sur la réserve, Eden transpire presque trop tôt son aveu d’échec, le destin un peu plombant – mais narré avec une honnêteté et une pudeur assez rares – d’un garçon normal. La tendance du film à survoler ses épreuves sans jamais agripper sa propre violence (même le suicide d’un ami est traité de la manière la plus banale), donne à voir l’ordinaire tout aspirer. Comme si le recul intelligent que la cinéaste porte sur les choses de la vie venait annihiler toute chance à ses personnages d’exister au présent. Le jeu très blanc (très discutable aussi) de l’acteur incarnant Paul participe de cette impression : figure vide un peu pâlotte, le personnage ne semble exister qu’après coup, dans les regards rétroactifs de ses scénaristes.

A la sortie, un crachin noir au-dessus de nos têtes, difficile d’aller danser sur les morceaux de Sven Hansen-Løve, qui justement anime l’after party du festival. Le spleen décidément fut de la journée.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi