La Chose d’un autre monde (The Thing from Another World, 1951)

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Plongée au coeur des débuts balbutiants de la science-fiction et de la vie extraterrestre à travers l´oeil d’Howard Hawks.

Adapté de la la nouvelle Who Goes There? (1938) de John W. Campbell, La Chose d’un autre monde est un des premiers films américains à explorer le thème de l’invasion extraterrestre. Le récit, basé sur la claustration et la menace invisible, en a fait un film précurseur du genre SF, devenu culte aujourd’hui. L’histoire se compose de la « Sainte-Trinité » de la SF : une station de recherche isolée – ici au Pôle Nord –, un groupe de militaires et de scientifiques, un extraterrestre. Ajoutez à cela quelques couloirs sombres, un journaliste curieux, une musique angoissante et vous obtiendrez la recette idéale à tout bon film du genre. Officiellement, Christian Nyby, monteur de Le Grand sommeil (Howard Hawks, 1946), est derrière la caméra. Mais le style si singulier d’Howard Hawks, crédité au générique comme producteur, émane de chaque plan, de chaque personnage, de l’œuvre entière. Qui, excepté lui, peut donner tant de place à un personnage féminin ? Qui peut attribuer un rythme effréné, digne d’une screwball comedy, à ses dialogues ? Et par-dessus tout, qui peut gérer le huis clos aussi efficacement en 1951 ? N’est pas Howard Hawks qui veut ! La présence de Nikki Nicholson (incarnée par la superbe Margaret Sheridan), femme forte et dominatrice, donne un second souffle au récit. Car bien que la sous-intrigue amoureuse avec le capitaine Hendry (Kenneth Tobey) soit peu intéressante pour un film de science-fiction, elle permet néanmoins de dynamiser l’ensemble filmique et d’apporter une touche de séduction et de légèreté au sein d’un univers principalement masculin. Aussi, les personnages secondaires, interprétés par des acteurs peu connus, forment un groupe étonnamment solidaire – car opposé au même ennemi. 

 
   

 

Pourtant, tout au long de son histoire, La Chose d’un autre monde ne se distingue ni par son suspense, ni par l’angoisse qu’il provoque. Très bavard et peu subtil dans son discours moralisateur jouant sans cesse sur la dualité de raison entre les militaires et les scientifiques (les premiers voulant tuer le monstre, les seconds l’appréhender), le script contient cependant quelques idées lumineuses. Hawks a par exemple la lucidité de mettre en scène l’extraterrestre de manière quasiment invisible. Ainsi, la première découverte de l’équipe de recherche, le vaisseau spatial, est aussi la première à disparaître. L’état de frustration est inouï, tant pour le spectateur que pour les membres de l’expédition, qui n’ont, l’un comme l’autre, pas eu la chance d’observer l’engin cosmique. Chacun est donc plus qu’impatient de découvrir quelle créature se cache dans le bloc de glace ramené in extremis à la base de recherche. Les premiers à la voir seront les chiens, qui s’affolent en sa présence. Les personnages et le public, eux, n’apercevront qu’une silhouette. Ce twist scénaristique sera largement repris dans les films des décennies à venir comme un code universel prévenant du danger. D’ailleurs, celui-ci n’est pas exactement le même que dans Who Goes There?, la nouvelle de Campbell. Howard Hawks créant un monstre des plus originaux, contrairement à la nouvelle, où il n’est pas un métamorphe mais un organisme végétal évolué et anthropomorphe capable de raison – se nourrissant de sang, soit dit en passant.

 

 

Dès lors, le scénario s’éloigne de l’histoire originelle et met en scène sa propre version, à la thématique moins prononcée mais plus dans l’air du temps : l’ennemi, pourtant invisible et supérieur, ne peut rivaliser avec le patriotisme américain – incarné par les militaires protégeant envers et contre tout leur pays de l’invasion. Ce cas de figure n’est évidemment pas sans rappeler le contexte de la Guerre froide. Pour autant, La Chose d’un autre monde, film politique ? Absolument pas. Simplement une métaphore, effrayante pour l’époque, au sein d’une production atypique. En mélangeant deux genres, la science-fiction et l’horreur, Howard Hawks offre au spectateur une expérience visuelle et émotionnelle sans précédent. L’excellent travail sur la lumière et l’espace permet à l’affrontement final, bien qu’un peu vite précipité, de frapper les esprits. Tombé dans un piège, seul contre tous, l’alien, qui ressemble d’ailleurs plus au monstre de Frankenstein, se fait électrocuter et se désagrège en quelques secondes. Finalement, entre sa première apparition et sa mort, peu de temps aura passé, n’entretenant qu’un léger suspense. Le film fut néanmoins couronné de succès à sa sortie, en 1951. Certainement grâce à un climat propice entre l’affaire Roswell et la Guerre froide. Le timing parfait en somme. Bien moins frissonnant et horrifique que son successeur (The Thing – John Carpenter, 1982), La Chose d’un autre monde aura au moins eu le mérite de faire grandir ce genre qu’est la science-fiction et de nous rappeler, au sein d’une fin douce-amère, que nous ne sommes certainement pas les seuls à peupler l’Univers.

Titre original : The Thing from Another World

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Durée : 87 mn


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