Jean-Charles Hue focalise son attention sur cette deuxième catégorie, à travers un voyage intime au sein de cette petite communauté. Son travail de cinéaste, ou plutôt de documentariste, se traduit par une mise en scène très sobre, majoritairement caméra à l’épaule, entrecoupée de beaux plans fixes à la signification claire, parfois ouverts à la réflexion. La crédibilité du portrait de cette communauté tient aussi à la précision des instants saisis. Tout d’abord dans la justesse du jeu des acteurs, cette façon naturelle de vivre et de présenter leur quotidien, auquel leur langage de « manouche » apporte un degré supplémentaire de réalisme – doublé d’une touche de comédie pour les puristes de la version française de Snatch. Puis, dans un second temps, l’étude, tant psycho-ethnique qu’humaine, de la « Révélation » de Fred, personnage central de La BM du Seigneur, et les conséquences que cela implique dans la vie de la communauté.
Révélation qui soulève la question suivante : comment concilier Dieu – et de surcroît la nouvelle vie qui s’ouvre au croyant via un changement radical de sa pensée et des actes qui l’accompagnent – avec les amis et les proches sans qu’aucun des deux partis ne soit contrarié ? L’équilibre entre vie spirituelle et vie terrestre est et restera toujours passablement compliqué, le choix d’être compris de Dieu mais incompris des hommes, dû à leur difficile survie dans le péché, amenant à une coupure brutale avec l’ensemble de l’entourage. Devenant du jour au lendemain un fervent croyant au lieu d’un voleur de voiture, Fred cherche toujours l’équilibre. Une quête qui amuse et énerve ses quelques amis, dont l’incrédulité se manifeste tant dans leur parole que dans leur acte désespéré – aux conséquences fâcheuses – de tenter de ramener Fred dans « leur » droit chemin.
En définitive, l’ultime choix de Fred est d’attendre de nouveau la Révélation, là où elle est apparue pour la première fois.