In the family

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Mon fils, ma bataille.

La famille et ses liens du sang qui donnent en toute légalité la possibilité de faire les choses en dépit du bon sens et du bien-être de ses membres : Patrick Wang s’emploie sans animosité à démontrer l’absurdité de la chose dans ce premier film achevé en 2011. Il y incarne Joey qui partage la vie de Cody et de son fils de six ans Chip. Joey et Cody élèvent Chip depuis la naissance de l’enfant. Joey est un membre apparemment à part entière de la famille. Il est bien accueilli chez ses beaux-parents, entretient des liens assez forts avec sa belle-sœur et son beau-frère. Apparemment, il suffit du décès de Cody dans un accident de voiture pour que l’illusion du bonheur familial vole en éclat. A la première occasion, la sœur du défunt met la main basse sur l’enfant et balance une ordonnance d’interdiction de l’approcher. Cody n’avait pas modifié son testament, sa sœur devient donc la tutrice légale de l’enfant. Les moments de bonheur partagés en famille (« in the familly ») n’étaient finalement qu’une tolérance et l’intrus est dégagé dès que possible pour faire table rase du passé et reconstruire une image plus convenable du fils/frère défunt. L’enfant dans tout ça ? Il est moins important que les luttes personnelles et le narcissisme : une variable d’ajustement qu’on peut trimballer comme un sac.

Wang évoque tout cela avec une extrême délicatesse, notamment par une structure assez fine qui isole de plus en plus Joey de la famille. Ainsi le même plan sur la cuisine se répète : à trois, à deux, puis seul. Le recours au flashback oriente le personnage plus vers l’incompréhension que la colère. Déposant Chip chez ses grands-parents pour un Halloween dans lequel il n’est plus le bienvenu, il se remémore la première rencontre avec sa belle-famille, un moment empli de gêne, mais aussi de beaucoup de bienveillance. Dans la scène suivante, ce souvenir vole en éclat lorsqu’il comprend que Chip lui a été enlevé. Autant qu’un combat, législativement perdu d’avance, pour récupérer « son fils », Joey tente de comprendre pourquoi la situation a à ce point dégénéré, mettant ainsi sa belle-famille devant ses contradictions.

Les intentions de Wang sont louables, mais In the family pâtit justement de la sagesse de son auteur. Le film est long, trop long. Le réalisateur veut laisser le temps aux situations de se développer, aux personnages et à leurs troubles d’exister pour être compris. Malheureusement, cela s’incarne trop souvent par d’interminables plans séquence qui, plutôt que l’effet de réel et de connivence espéré, ne viennent que déstabiliser le film. Wang a des difficultés à couper dans la longueur, mais aussi dans le contenu. Il faut ainsi une introduction d’une bonne demi-heure avant d’en arriver au cœur du sujet : un père dépossédé de son fils. Les flashbacks, à l’exception de la rencontre avec la belle-famille, aussi beaux soient-ils, sont alors de trop. Wang remplit son film à la gueule dans l’espoir de tout dire, d’envisager toutes les facettes et se retrouve avec des moments qu’il ne sait pas gérer si ce n’est par une fausse pudeur où littéralement la caméra ne sait plus où se mettre pour aborder les sentiments avec la bonne distance (l’annonce du décès de Cody, une scène de larme). Seule la très longue scène quasi finale de rencontre avec les avocats évite ces écueils. De manière assez symptomatique, Patrick Wang réussit souvent mieux les scènes dialoguées que ses temps morts, croyant dur comme fer à l’aberration de l’histoire qu’il raconte.

Loin d’un militantisme hargneux, In the family touche et marque beaucoup par la simplicité avec laquelle il approche le drame. La bienveillance et la douceur de Wang permettraient même d’oublier bien des défauts s’il n’achevait pas son film de la pire des manières qui soit : une image qui se fige lentement, et qui évoque plus la niaiserie finale d’un mauvais téléfilm qu’une fin à la hauteur des enjeux du film.
 

Titre original : In the family

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Durée : 169 mn


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