Her

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L’amour conjugué au futur, sorti de l’imagination inspirée de Spike Jonze.

Théodore (Joaquin Phoenix), après une période de passage à vide et de solitude intense suite à une rupture difficile, prend la décision d’acquérir un nouveau programme informatique doté d’une intelligence artificielle. Par l’intermédiaire de sa voix suave et rieuse, il fait la connaissance de sa nouvelle interlocutrice, Samantha (Scarlett Johansson). Une voix qui cache une personnalité extraordinaire, capable d’évoluer, de s’adapter à lui et de prendre des expressions – à défaut de contours – humains. Très vite, cette assistante chargée de lui lire ses mails et de lui rappeler ses rendez-vous est bien plus pour Théodore : elle est celle qui est assez intelligente pour le comprendre, le surprendre, le rendre tendre. Une histoire d’amour à l’épreuve des technologies, où réel et virtuel s’entremêlent, naît alors.

Le réalisateur américain Spike Jonze (Dans la peau de John Malkovich (1999) ; Max et les Maximonstres, 2009), en inventant cette relation futuriste, attire et laisse perplexe. Sa comédie romantique comporte également des atours dramatiques, où le rêve laisse place aux interrogations. L’amour peut-il se passer du physique ? Les technologies sont-elles toujours au service de l’Homme ? Les sentiments de Samantha sont-ils réels ou programmés ? Alors, comme pour d’autres couples, la relation de Théodore et Samantha connaît des hauts et des bas. Rien n’est magique dans cet univers propre, sans violence, à l’architecture épurée et aux contours pourtant si doux. C’est ce qui fait la force d’un film qui ne cherche pas à dessiner une histoire parfaite dans un monde parfait.

Par des ressorts scénaristiques et des plans sensibles, Spike Jonze parvient à transcrire le bonheur et la quiétude qui gagnent progressivement Théodore au contact de Samantha. Isolé depuis sa dernière rupture, Théodore ne cesse de repenser à sa dernière relation. Par l’intermédiaire de flashbacks, le spectateur a accès à cette histoire qui l’a emmené au septième ciel avant qu’il ne dégringole : les instants d’euphorie alternent avec les moments de crise, à la manière de Blue Valentine (Derek Cianfrance, 2011) qui faisait s’entrechoquer deux phases de l’histoire d’un couple. Puis ces flashbacks s’estompent pour laisser place au présent. Théodore reprend goût à la vie, délaisse son grand appartement vide, lâche un peu son jeu vidéo 3D, se met à danser dans le métro, à se balader au soleil et à rire aux éclats, en compagnie de Samantha toujours à ses côtés grâce à son oreillette.

Si Samantha n’est pas présente à l’écran, le travail élaboré avec Scarlett Johansson est fabuleux. Sa voix ne cesse de la rendre vivante et transcrit une palette riche d’émotions. À tel point que même sans incarnation physique, Théodore n’a d’yeux que pour elle. Les longs plans sur son visage à lui donnent une matérialité à Samantha, qui par sa voix et ses mots meut les traits de son amant. Pas besoin d’un corps contre lequel se blottir dans un premier temps. L’amour physique devient virtuel, sur écran noir, avec bruits de souffle. Plus d’image mais des sensations intenses, à l’opposé des autres tentatives de Théodore pour avoir des relations virtuelles qui amènent à des épisodes saugrenus et drôles. Mais si l’immatérialité de Samantha ne pose pas de problème dans un premier temps, très vite, cela devient un sujet majeur : comment répondre à l’invitation d’un collègue qui veut faire une sortie en couple ? Comment satisfaire son amant sans courbes ? Des questions auxquelles répondent des scènes aussi mythiques que dérangeantes.

Progressivement, l’idylle amoureuse bat de l’aile. Les excès d’instants (trop) mignons laissent place à des instants de doute et répondent aux flashbacks de la première relation de Théodore. Sa mélancolie refait surface et imprègne le film jusque dans les moindres détails. Le doute s’installe, la confiance s’amenuise. Ainsi, si le monde futuriste de Her semble parfait en apparence, les difficultés n’y sont pas étrangères : l’Homme semble n’avoir jamais eu autant de mal à trouver sa place et à se forger une identité. En faisant de l’émotion son matériau brut, Spike Jonze réussit à faire un film d’anticipation capable autant de susciter autant de l’empathie que la discussion, sans oublier une dose de légèreté et d’humour pour rendre le futur un peu moins crispant.
 

Titre original : Her

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Durée : 126 mn


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