Half Nelson

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Long métrage récompensé au festival de Sundance 2006, Half Nelson surfe sur la vague du film d´auteur américain aux codes cinématographiques et narratifs bien tranchés. Si Ryan Fleck s´en sort plutôt bien en créant un style cohérent entre puissance réaliste et évocation fictionnelle d´une société en équilibre, il n´arrive pas à développer suffisamment sa double […]

Long métrage récompensé au festival de Sundance 2006, Half Nelson surfe sur la vague du film d´auteur américain aux codes cinématographiques et narratifs bien tranchés. Si Ryan Fleck s´en sort plutôt bien en créant un style cohérent entre puissance réaliste et évocation fictionnelle d´une société en équilibre, il n´arrive pas à développer suffisamment sa double métaphysique (vie – mort) dans la démonstration filmique proposée.

Et pourtant !

La description du personnage principal, jeune professeur blanc d´origine modeste qui se retrouve à enseigner dans un lycée difficile de Brooklyn, confronte différents évènements moteurs. Son problème de drogue qui le ronge jour après jour, sa rencontre improbable avec l´une de ses élèves, Drey, leur amitié silencieuse faite de surveillance, d´entraide et de remise en cause, sont autant de thématiques qui scrutent l´âme humaine dans un environnement difficile où l´exclusion, le jugement, les règles, l´effort, les convenances, l´argent sont… dirions nous, les seuls juges de paix !

Si l´on excepte les quelques trames secondaires visant surtout à dynamiser une histoire focalisée sur Dan et son autodestruction, le film porte un regard désabusé. Il décortique un mal de vivre dans l´entrebâillement d´une perdition au départ solitaire. La trop grande dispersion scénaristique (rôle pesant et figuré du caïd de quartier, le stéréotype de la mère seule travaillant jour et nuit, l´incompréhension silencieuse des collègues vis-à-vis de la détresse de Dan…) qui, si elle pointe du bout de la caméra des réalités sociales, ne parvient jamais à saisir complètement les affres psychologiques et physiques de Dan.

Ceux-ci transparaissent alors autrement. Même si Drey ne voit qu´à deux reprises Dan sous l´emprise de la drogue, elle sait. Elle connaît donc une partie de sa vie, ses troubles, ses faiblesses et, sans chercher à savoir pourquoi, même si elle lui posera une fois la question, elle l´accompagne. Lui, le torturé, accepte cette présence et fera tout pour l´aider également. Cette entraide résonne au détour d´un regard, d´une moue, d´une déraison et suffit sans doute à nous replonger dans cette réalité douloureuse, raison même du métrage. Dans cette << amitié >> de circonstance, mais que l´on dira sincère, le réalisateur puise la grande force du film. Aidé par un duo d´acteurs remarquable, il saisit la difficulté du mot, surligne la prégnance d´un climat social fort et insiste sur la violence d´une rue sans concession.

Ce qui est vrai pour lui (est-il compris un seul instant par ses parents ?), est aussi fort pour elle (est-elle vraiment écoutée par sa mère ?).

Cette peinture sociale au coeur d´un Brooklyn à peine esquissé dans son urbanité et sa sociologie, même si nous devinons l´entremêlement du communautarisme et de l´individualisme, devient le symbole personnifié (par Dan et son élève Drey) d´une Amérique qui s´efforce de vendre encore et encore le slogan de la réussite, qu´elle soit professionnelle, sentimentale ou financière. En oubliant le sens même de cette réussite, dans l´absurdité des postures morales, familiales et religieuses, le film de Ryan Fleck fait mouche. Half Nelson est alors plus réussi dans son propos, dans sa thématique principale, que dans sa démonstration au sens formel du terme.

Malgré des effets de style un peu faciles, voire démagogiques (les scènes de classe sont traitées avec désinvolture et n´apportent aucune plus value au film), une pellicule tout en saturation comme pour mieux faire ressortir la détresse des personnages, un découpage assez précis et incisif mais sans véritable immersion sociologique, le film nous interpelle et nous fait ressentir ce mal de vivre. Balisé par un courant institutionnalisant une codification cinématographique (Sundance oblige), Half Nelson décortique donc avec ses mots une réalité par la focalisation du vide. Vide du sens et de sens ; vide du relationnel et de relation (juste avant l´amitié entre Dan et son élève Drey) ; vide d´un vécu et de la vie. Dans le silence glacé d´un dernier trip, Dan devient un fantôme du vide, celui des êtres qui ne veulent plus se battre pour un avenir.

Et le soleil brillera encore pour ceux qui décident de continuer le chemin des hommes.

Titre original : Half Nelson

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Durée : 106 mn


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