GAL

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Entre pure investigation documentaire et aspiration au grand cinéma, GAL refuse de trancher, et perd très vite toute identité…

Le principal apport d’un film tel que GAL est documentaire. En effet, ce n’est pas tant sa fiction policière paranoïaque autour de la privation progressive par l’Etat espagnol d’une certaine liberté individuelle (mode Ennemi d’Etat, en moins fun), qui interesse. Plutôt la précision avec laquelle, au fur et à mesure qu’avance l’enquête des journalistes Manuel Malo (José Garcia) et Marta Castillo (Natalia Verbeke), se fait jour une troublante confusion entre terrorisme (ETA) et antiterrorisme (GAL : Groupe Antiterroriste de Libération)…

Zodiac a souligné l’an dernier, d’assez brillante manière, la réelle cinégénie de la pure investigation journalistique, le plaisir singulier de voir la pensée au travail, de suivre le développement d’une réflexion et d’une association d’idées. Lorsque Manuel et Marta sont exposés comme de simples chercheurs, en quête d’une impossible mise à jour de la position ambigüe de la police quant aux procédés de répression du terrorisme, un certain souffle nait de la fatigue naissante, de l’obstination lasse, de la peur progressive de continuer face à l’effectivité de la violence (mort d’une taupe, d’une collègue…). Le film se révèle en revanche beaucoup moins convaincant lorsqu’il accentue les effets de style tels que le ralenti, la BO tonitruante et l’étalage plein écran des signes extérieurs de corruption… A cet instant, il sombre du côté d’American gangster, ce qui est déjà plus inquiétant…

Tel quel, GAL ne se hisse que trop rarement hélas au niveau des grands films politiques seventies auxquels il aspire de toute évidence. Les années 80 reconstituées ici (le GAL est né en 1983, le film suit son développement jusqu’en 1991), peinent à accrocher l’œil par une quelconque spécificité, une moindre atmosphère. Rien ne prend corps assez durablement pour fixer l’attention de bout en bout. Quant à José Garcia, ce n’est pas lui faire injure que de dire que cet emploi d’enquêteur torturé ne lui sied pas vraiment. Sa gravité semble un peu fabriquée, accentuée par des petits procédés tels que le regard mélancolique sur une ville la nuit, torse nu avec jolie fille au lit, une expression un peu unidimensionnelle tendant presque à la caricature involontaire… Dans le genre dramatique, il brillait bien plus dans Le Couperet, de Costa Gavras, où sa déchéance sociale répondait à une énergie, à une furie meurtrière souvent épatantes.

Le sujet valait un film ; l’Espagne, comme toute nation, mérite, c’est évident, un face à face avec ses zones d’ombres, son refoulé socio-politique. Reste que perdu entre volonté de « faire cinéma » et souci de suivre les faits à la ligne près, en toute exactitude, le cinéaste n’impose jamais vraiment d’identité, et prive son récit de l’ampleur qu’il méritait.

Titre original : GAL

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Durée : 105 mn


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