Marivaudage et sens du verbe pour un Guitry au sommet de son art.
En cette année 1936 et sous l’influence de sa jeune épouse Jacqueline Delubac, Sacha Guitry trouve enfin ses marques dans le cinéma pour lequel il se sera montré si méfiant auparavant. Il s’avérera aussi prolifique qu’au théâtre en signant quatre films comptant parmi ses plus grandes réussites, tous adapté de ses pièces : Le Nouveau Testament, Le Roman d’un tricheur, Mon père avait raison et Faisons un rêve. Ce dernier transpose justement une pièce écrite en 1916. Si notamment Le Roman d’un tricheur avait témoigné pour Guitry d’une certaine jubilation à exploiter toutes les possibilités narratives et visuelles de l’outil cinématographique, Faisons un rêve revient à une influence plus typiquement théâtrale. Sur le papier on a un triangle amoureux de boulevard femme/amant/mari assez typique et le film est une célébration du verbe virtuose de Guitry à la mise en scène assez statique. Le plaisir est donc ailleurs dans cette réussite.
Passé un prologue mondain où l’on croisera du beau monde au casting (Arletty, Michel Simon…), le récit se resserre pour un brillant jeu de dupe sur le couple. Ce sera d’abord celui du couple légitime du mari (Raimu) et de la femme (Jacqueline Delubac). Venu rendre visite à leur ami avocat (Sacha Guitry) absent, l’époux et sa femme par leurs réactions et dialogues à double-sens laissent deviner leurs infidélités imminentes (le "rendez-vous" du mari) ou possible (l’épouse tiquant à la rumeur de liaison de l’avocat) dans un brillant échange. La bonhomie et la truculence de Raimu fait merveille face à l’élégante malice de Jacqueline Delubac. A l’image de cet échange, toutes les relations de couple seront affaire de domination où le plus fantasque prendra l’avantage. Ce sera le cas pour Jacqueline Delubac face à Sacha Guitry lorsqu’elle le laisse se perdre dans une logorrhée maladroite lorsqu’il lui déclare sa flamme et surtout quand elle surgira par surprise après la longue séquence du téléphone où ce dernier nous offre un grand numéro comique seul à l’écran en amoureux angoissé dans l’attente de sa dulcinée.
Il prendra sa revanche au matin par ses saillies mordantes alors que Jacqueline Delubac est inquiète d’avoir découché (la réplique sur la tartine provoquant le fou rire à coup sûr) mais aussi par sa raillerie subtil de ce mari dont il faut se débarrasser. L’harmonie des couples ne peut fonctionner que quand le danger est écarté et qu’ils peuvent s’adonner librement à leurs passion. D’un coup l’ironie latente se dissipe pour la fantaisie romantique quand les amants rejouent leur premier réveil commun manqué et le final endiablé promesse de volupté. L’énergie, l’esprit et le charme de l’ensemble finit par totalement en faire oublier le côté statique, un très bon moment.
Dans son « cinéma club » du MK2 Beaubourg, Hélène Frappat, ancienne critique des Cahiers, parle des processus de « cadavérisation » des femmes, horrifiants et envoûtants, muséaux et momifiants.
« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..
« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…