Election 1 (Hak seh wui)

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Faire un film sur des organisations comme les Triades n’est pas chose aisée. Cela nécessite de la part d’un réalisateur une réelle part d’investigation, ne serait-ce que pour le côté réaliste de l’entreprise. Or, on aurait pu craindre de la part d’un cinéaste comme Johnny To une surenchère au niveau stylistique, car c’est bien sur […]

Faire un film sur des organisations comme les Triades n’est pas chose aisée. Cela nécessite de la part d’un réalisateur une réelle part d’investigation, ne serait-ce que pour le côté réaliste de l’entreprise. Or, on aurait pu craindre de la part d’un cinéaste comme Johnny To une surenchère au niveau stylistique, car c’est bien sur ce point que les films du réalisateur capitalisaient jusqu’à présent. Force est de constater que To s’en sort plutôt bien et arrive à insuffler à son œuvre un ton sérieux et très solennel tout en respectant les codes du film de genre, à savoir le film de gangster.

Décrivant la lutte de pouvoir entre Lok (Simon Yam) et Big D (Tony Leung ka-fai), deux prétendants au poste de président des Triades, Election nous offre une vision très rationaliste de ce milieu, véritable terrain propice à toutes les bassesses humaines (tortures, meurtres) mais aussi, paradoxalement, aux plus nobles des sentiments. Election n’est pourtant pas film à se vautrer complaisamment dans la violence gratuite et outrancière. Là où un Takashi Miike aurait abusé de ce parti pris au détriment de son scénario, To n’utilise que très peu la violence frontale et choisit de filmer ces passages « obligés » avec une certaine distance, sans réels débordements graphiques. Plus encore, ces scènes peuvent se dérouler hors-champ, To préférant s’axer sur ce qui fait la force de son film, les personnages.

Car non content de réaliser un film sur un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur depuis plus de quinze ans, To s’affranchit d’un casting quatre étoiles et mise avant tout sur la performance de ses acteurs. Le réalisateur calme le jeu en ce qui concerne l’aspect formel de son cinéma et délaisse le côté stylisé et virtuose de ses précédents métrages. Si Breaking News (2004) s’ouvrait sur un plan séquence dantesque d’une maîtrise technique ébouriffante, on peut constater qu’il n’en est rien en ce qui concerne Election tant Johnny To préfère effacer son sens démonstratif de la mise en scène pour nous conter une histoire sombre aux personnages habités par leur soif de pouvoir.

Election est, pourrait-on dire, le film de la maturité, non pas que ses précédentes œuvres pourraient s’apparenter à de simples films d’action, mais bien parce que To remplace l’action immédiatement jouissive et opératique par un filmage plus posé et classique. Election est une histoire d’hommes obsédés par le pouvoir et prêts à tout pour y accéder, au prix de la transgression de certaines règles. Le film prend ainsi des allures de chasse au trésor, un sceptre en forme de dragon étant l’objet des convoitises des deux candidats, objet traduisant la passation de pouvoir d’un parrain à l’autre et symbolisant une tradition perpétuée depuis au moins deux siècles.

Election pourrait donc se voir comme une œuvre charnière dans la filmographie de Johnny To, filmographie comptant tout de même une quarantaine de long-métrages sur 25 ans de carrière. De ce fait, le cinéaste prouve qu’il est toujours possible de se renouveler aussi bien sur le fond que sur la forme sans pour autant se renier. Tendu, glacial dans ses rares accès de violence et ironique, Election est avant tout un film sur la Chine et sur les effets néfastes que peuvent avoir ces groupuscules d’individus sur la société chinoise, organisations aux desseins nobles et humanistes même si le film nous montre que ce milieu n’est plus ce qu’il était. Même si une certaine part de noblesse subsiste chez certains personnages, la cupidité et la traîtrise a pris le pas sur l’idée de ce que l’on se fait d’une certaine éthique. Le cinéaste ne porte pas pour autant de jugement sur ses personnages, préférant les laisser se débattre avec leurs querelles et règlements de compte et nous montre ce dont l’homme est capable pour conserver sa dignité, obtenir le respect de ses paires.

Ayant apparemment fait le tour du sujet sur les triades (de son propre aveux), To livrera cependant une suite supérieure à son model, allant plus loin dans la noirceur et la cruauté.

Titre original : Hak seh wui

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Durée : 101 mn


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