Another Year

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Une année amusante et touchante parmi les tourments d’une génération oubliée. Les vieux aussi cherchent le bonheur. Si, si.

Au cinéma, on y trouve surtout des trentenaires aux soucis existentiels impossibles ou des adolescents qui s’époumonent de tourments amoureux compliqués. Contrairement à ce que l’on imagine, les soixantenaires (ou plus communément, les vieux) ne sont pas seulement obnubilés par le calcul de leur taux de retraite et s’apparentent étrangement à des gens normaux. Ils pensent à l’amour, la mort et peuvent être heureux ou malheureux. Avec Another Year, Mike Leigh pose délicatement sa caméra sur des personnages vieillissants mais tout aussi perturbés, rendant presque inintéressant un Romain Duris sous Prozac ou un Sean Penn en perdition transcendantal.

Le film, découpé en quatre saisons formant donc « une année de plus », aborde les tourments et interrogations d’une génération peu présente au cinéma autour de la maison de Gerry et Tom, couple de presque retraités londoniens. Pendant cette année en leur compagnie, ils accueilleront généreusement chez eux tout un tas de personnages désespérément humains : de l’ami d’enfance divorcé, accroc à la bière et aux tee-shirts négligés à leur fils en quête d’amour en passant par la collègue de Gerry, névrosée et tellement triste d’être seule que ça finit même par faire rire. Another Year n’est pas une comédie mais sa faculté british à pointer le ridicule et le désespoir de ses personnages rend le propos du film bien plus drôle qu’il n’y paraît. C’est surtout un film de personnages et sur les éclats de leurs relations.

 

Mike Leigh propose une mise en scène théâtralisée, centrée sur le propos et le ton toujours juste de ses comédiens habituels, tous issus du spectacle vivant. Avec ces acteurs, inutile de crier, de sauter, de claquer des portes ou de forcer un rire, ils jouent sans fioritures pour faire passer l’émotion d’une interprétation rendant plus que crédibles les personnages qu’ils endossent. La caméra est attirée par les regards et les gestes simples réussissant à capter les comportements et à simplifier des sentiments soi-disant complexes, simplement humains. Elle se pose au bon moment sur la personne qui reçoit les informations ressentant instinctivement les réactions intérieures des personnages. Aucune scène ou aucune ligne de dialogue ne sont disposées dans le but de faire rire et pourtant, le film est une succession de scènes devenant amusantes malgré la tristesse des situations mises en place. Lorsque Mary (impeccable Lesley Manville), habillée comme une jeunette de trente ans alors qu’elle en a le double, drague ouvertement le fils de Gerry, le rire du ridicule laisse progressivement la place à une tristesse émouvante d’une femme qui n’assume pas ce qu’elle devient et ce qu’elle recherche. Another Year est un équilibre parfait et simpliste entre émotions touchantes et plus légères.

Derrière ces questionnements incessants dépeints tout au long du film, il y a bien sûr cette récurrente réflexion sur la recherche du bonheur. Dans Another Year, elle trouve sa pertinence en se centrant sur une génération de baby-boomers soixantenaires devenus par la force des choses (et des années) papy-boomers. Pour une fois, on se concentre sur les conséquences ravageuses du divorce chez les parents devenus grands-parents dont la solitude pèse de plus en plus lourd au fil des années. Gerry et Tom forment un couple-socle et symbolisent l’union parfaite et équilibrée, leur plaisir commun est de cultiver candidement des fruits et légumes sous la pluie, jouissant d’une épuration radicale de tous artifices pour être heureux. Tous les autres personnages les envient inconsciemment, ils s’agglutinent dans leur maison (où réside principalement l’action du film) avec cet espoir que leur harmonie les touche un peu et surtout pour se sentir moins seuls. Pour Mike Leigh, la solitude est l’ennemi public numéro un de l’homme moderne. D’ailleurs, Tom existerait-il sans Gerry ?

Titre original : Another Year

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Durée : 129 mn


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