Amador

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Un film intimiste empreint de poésie. Deux solitudes créent un lien unique, entre la vie et la mort.

Du silence, de la lenteur et de la simplicité. Voilà autant de critiques qui ont été proférées à l’encontre d’Amador, le dernier film de Fernando León de Aranoa (Princesas, Les Lundis au soleil). Malgré leur véracité, ces particularités ne nuisent pas au film mais renforcent son humanisme.

Amador est le prénom d’un vieil homme malade (Celso Bugallo). Sa fille engage une jeune immigrée, Marcela (Magaly Solier), pour prendre soin de lui pendant l’été. Cette jeune latino-américaine accepte le poste alors qu’elle traverse elle-même une crise intime : elle se découvre enceinte de Nelson (Pietro Sibille), compagnon qu’elle avait décidé de quitter. Malgré des débuts laborieux, une forte relation va naître entre Amador et Marcela. Avec lui on la voit rire pour la première fois, il lui réapprend à vivre. La mort du vieil homme vient détruire la fragile stabilité qu’avait enfin trouvée Marcela. S’ouvre alors un dilemme moral, elle est tiraillée entre son besoin d’argent et les règles sociales. Sans vraiment le décider et dans le doute constant, elle occulte la mort d’Amador. A sa crise émotionnelle déjà palpable s’ajoute donc un autre secret.

La force du film réside dans les émotions qui traversent Marcela, qui parfois la submergent et manquent de la noyer. Fernando León de Aranoa s’intéresse à l’intériorité de Marcela et trouve en son actrice, Magaly Solier (La Teta asustada, Madeinusa), le véhicule parfait. L’expressivité de son visage est si frappante que le réalisateur espagnol lui consacre plusieurs plans silencieux. Sans mots on comprend ce qui la déchire, et avec elle on désespère, on tremble, on souffre. Le spectateur est actif puisque c’est à lui de comprendre les émotions que Marcela n’exprime ni par des mots, ni par des actes. Fernando León de Aranoa crée donc un autre lien important, celui entre Marcela et le spectateur. Par son silence, c’est à lui qu’elle demande quoi faire, c’est à lui de l’accompagner ou de la juger.

 

Ce tour de force est possible grâce à la simplicité du scénario, une simplicité théâtrale. D’ailleurs, contrairement aux précédents films du réalisateur, les actions se déroulent dans un nombre de lieux très restreint, majoritairement dans la chambre d’Amador. Une fois l’homme mort, leurs conversations passées obsèdent Marcela. On réalise alors qu’ils n’ont échangés que très peu de mots. Le minimalisme des dialogues, du scénario, de même que de l’esthétique et de la musique renforce l’intériorisation recherchée par Fernando Léon de Aranoa.

Malgré son originalité, la trame du film s’épuiserait rapidement si le réalisateur n’avait su l’agrémenter de poésie. Pour ce faire, il utilise ce qui est intemporellement sublime, unique et mort : les fleurs. Aidé par les silences et les fleurs, Fernando León de Aranoa fait du cheminement de Marcela une aventure philosophique. Elle s’accroche à ces beautés éphémères comme si leur courte vie allongeait celle du défunt. Entourée de bouquets, Marcela passe ses journées avec le cadavre et entretient avec lui une relation d’une étonnante de vitalité. On comprend alors que l’argent n’est pas l’unique moteur de la jeune femme. Amador, par sa présence, continue de la faire évoluer, il la rend plus forte et l’aide à gagner l’indépendance dont elle a besoin pour devenir mère. L’extraordinaire dénouement finit d’émanciper Marcela en lui donnant un autre point de vue sur ses choix.

La sobriété de ce film peut le rendre pesant si on n’accepte pas d’accompagner Marcela dans son voyage initiatique. Mais si on avance à ses cotés, il offre un voyage d’espoir, de mort, de vie mais surtout d’amour. Amador veut dire « celui qui aime », et c’est apparemment un amour qui transcende la mort.
 

Titre original : Amador

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Durée : 112 mn


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