All Is Lost

Article écrit par

Robert Redford dans la solitude de l´Océan Indien.

On pourrait d’abord croire à un nouveau Seul au monde (Robert Zemeckis, 2000) : le plan d’ouverture montre une mer d’huile sous un soleil étincelant, que seul un conteneur éventré vient à peine troubler. En voix off, qu’on reconnaît être celle de Robert Redford, on entend une lettre d’excuses, écrite dans le vague. Un navigateur est en fin de vie, il demande pardon, peut-être à ses proches, à une famille lointaine, ou à lui-même, d’avoir été si hardi. Puis on remonte huit jours plus tôt, quand l’action débute, et que ce même container, qu’on imagine détaché par accident d’un porte-conteneurs, vient heurter la coque du navire de “notre homme” (c’est ainsi qu’il se nomme au générique), Redford donc, engagé dans un voyage en solitaire sur un voilier plutôt bien pourvu. All Is Lost est le récit de huit jours d’errance en plein Océan Indien, quelque part entre l’Indonésie et Madagascar, celui d’un homme qui se bat pour survivre au naufrage de son bâteau ; huit jours entre une collision toute bête et le moment de regarder la mort en face. C’est le deuxième long métrage de J.C. Chandor, réalisateur du remarqué Margin Call (2012), présenté hors compétition au dernier festival de Cannes.

Passé le monologue d’introduction, Redford ne dira plus un mot, à peine quelques “fuck” échappés quand une énième déconvenue menace d’entamer définitivement sa détermination. All Is Lost a quelque chose de l’exercice de style : pas de dialogue, un lieu unique (le voilier et le radeau de sauvetage, on ne verra jamais la terre ferme), un seul acteur. Film de contraintes à la checklist bien remplie – naufrage, faim, éléments naturels déchaînés, solitude, danger de la faune maritime (les requins, trop vite évacués) – et survival programmatique donc, qui présuppose d’emblée une mise en scène de génie. Ce n’est pas le cas, Chandor est loin, dans les scènes spectaculaires, d’être Alfonso Cuaron, dont le fabuleux Gravity ne tarde pas, par un concours de calendrier, à venir à l’esprit. Même solitude face à une situation impossible où “tout est perdu” ou semble l’être, même impulsion de se battre coûte que coûte ; si les deux films n’ont au final pas grand chose à voir, ils se font étrangement écho. Mais là où le film de Cuaron impressionne – entre autres – par ses prouesses technologiques, All Is Lost peine, un temps, à être tout à fait tendu, à faire croire que “notre homme” est véritablement seul. Les scènes de tempête et de naufrage, notamment, ont du mal à faire oublier l’équipe technique qui se tient auprès de Redford, qu’on imagine assez peu en danger, dans l’eau souvent trop claire des plus grands bassins de tournage du monde aux Studios Baja, en Basse-Californie à l’Ouest du Mexique (construits de toutes pièces par Cameron pour son Titanic, 1997).

 

C’est paradoxalement ailleurs que l’intérêt du film, réel, s’exprime : entre les scènes d’agitation, quand le calme retrouvé nécessite à nouveau de penser à l’étape suivante, à la marche à suivre pour continuer de survivre un peu plus longtemps. C’est là que tout le talent de Robert Redfort se déploie, dont le jeu tout en énergie rentrée permet de tenir l’attention sans être dans la sur-démonstration. Au contraire, si l’acteur impressionne en effectuant lui-même la majeure partie des cascades, Chandor ne le filme jamais comme un surhomme, mais bien comme quelqu’un de son âge – 77 ans – qui fatigue fatalement assez vite. L’attention aux menus détails est ce qu’il y a de plus captivant dans le film. Voir Redford apprendre à se servir d’un sextant de navigation après que ses appareils électroniques ont été noyés ; se confectionner de l’eau potable en faisant s’évaporer le sel de la mer au soleil ; devoir réfléchir très vite aux impondérables à anticiper sur le bateau de sauvetage avant que le voilier ne coule tout à fait sont parmi les éléments qui attirent l’attention, mieux, émeuvent. De qui il est, d’où il vient, s’il a une famille, on ne saura rien. C’est la grande idée d’All Is Lost que de ne rien expliquer : cette équipée est la seule sienne, et fait du film l’histoire d’une simple et belle tentative.

 

Titre original : All Is Lost

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Durée : 106 mn


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