Le Nom des gens

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Pour sa seconde réalisation, Michel Leclerc fait de la politique un outil de comédie et surprend par un film plutôt impertinent !

Imaginez une jeune femme dont le métier serait de convertir politiquement les hommes en couchant avec eux. En clair, elle tente de faire virer à gauche des hommes de droite en jouant de ses charmes, et applique à la lettre le concept de « faites l’amour, pas la guerre ». Lorsqu’elle rencontre Arthur Martin (oui, comme les cuisines…), homme réservé et pourtant de gauche, elle décide de coucher avec lui. Ce scénario hilarant et plutôt neuf, c’est Baya Kasmi et Michel Leclerc qui l’ont imaginé il y a quelques années et travaillé au Festival International du film francophone de Namur en 2008 lors de l’atelier d’écriture Suivi du Grand Nord. Le film n’est rien de moins qu’une comédie sentimentale et politique, ayant pour projet d’éclairer avec humour nombre de questions brûlantes qui travaillent la société française et son histoire depuis plus de soixante ans. Traitées avec humeur, les points d’actualités (l’intégration de la deuxième génération d’immigrés, la mémoire de la Shoah, la diabolisation de la droite en France), sont intégrés à une histoire cohérente, portée par de solides comédiens.

Si Le Nom des gens remue avec effronterie certains clichés, idées reçues, tabous et s’achemine, à un rythme soutenu, vers un bel équilibre entre rire franc et une certaine gravité, le film n’évite pas certains pièges de la caricature par trop grand cœur et par la largesse de ses ambitions scénaristiques. S’il faut saluer le travail des scénaristes/dialoguistes, qui nous régale de répliques et de bons mots vraiment savoureux, on peut regretter l’extrême foisonnement d’intrigues et de thèmes abordés, qui, s’ils donnent charme brouillon et rythme intrépide au film, le lèse un peu quant à la finesse de l’étude comique. Ainsi, à certains moments, la caricature n’est pas voulue comme ressort de comédie, mais due une dramatisation malhabile de certains enjeux précédemment comiques.
Mais l’attrait majeur du film vient justement de ce mélange improbable entre sujets sensibles et situations comiques, la plupart du temps réussi. L’aisance avec laquelle le réalisateur se frotte aux questions « chaudes » de notre république avec le désir d’en découdre est assez agréable à voir. On en ressort avec, sous le bras, plusieurs répliques corrosives, vannes géniales de Bahia (Sara Forestier) lancées à un débit de mitraillette à ses opposants, c’est-à-dire à peu près la terre entière ! Sara Forestier est rayonnante. Elle porte haut un personnage féminin vraiment original et prouve que le temps a passé depuis L’Esquive (2004), qu’elle peut désormais jouer une jeune femme pleine de sensualité, aussi effrontée et libre qu’aurait pu l’être, à bien y regarder, la jeune Lydia du film d’Abdellatif Kechiche six ans plus tard. Mention spéciale également à la merveilleuse Michèle Moretti, qui parvient, avec peu de dialogues, à faire souffler une poignante émotion sur son personnage.
 
Le film se passe en 2002, juste avant l’élection de Jacques Chirac. Le personnage, ultra-politisé de Bahia, par le biais duquel est relaté cet épisode politique de la vie française apporte encore un supplément de fraicheur au film, qui, clairement inscrit à gauche, prend le parti de réconcilier idées politiques, citoyenneté et humour. La parfaite illustration de cette surprenante proposition est le caméo du très discret retraité politique Lionel Jospin !
Le film débute par les biographies respectives des deux personnages principaux : ces quelques séquences, filmées à la manière d’Amélie poulain, photographie très chromo et voix-off, sont étonnement réussies, notamment celles des parents d’Arthur Martin (Jacques Gamblin, toujours délicieux). La description de ce petit couple franchouillard banlieusard, dans ce qu’il a de plus banal et ennuyeux, dégage bien plus de tristesse que d’occasions de moqueries. A bien y regarder, le film entier est une succession de bons moments, tantôt drôles, tantôt dramatiques, de bons mots, de situations rocambolesques et de scènes d’exhibition hilarantes. Bref, on ne boude pas son plaisir devant une bonne comédie française !

Titre original : Le nom des gens

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Durée : 104 mn


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