Contes de l’âge d’or

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Parce qu´il vaut mieux rire que pleurer, « Contes de l´âge d´or » fait d´une réalité tragique une comédie loufoque.

Non, le cinéma roumain contemporain n’est pas seulement peuplé de films dans la veine naturaliste à tendance misérabiliste. Voilà ce que semble vouloir dire les Contes de l’âge d’or, projet de plusieurs films à sketches autour de la fin du communisme réalisé sur l’initiative de Cristian Mungiu (Palme d’or en 2007 pour 4 Mois, 3 semaines et 2 jours). En quatre courts-métrages d’une vingtaine de minutes, Contes de l’âge d’or met en images des légendes urbaines roumaines très populaires. Le film vient dénoncer les illogismes d’un gouvernement, le poids d’une administration rigoureuse et sa confrontation avec une réalité parfois douloureuse : de la difficulté de trouver de quoi se nourrir à l’illettrisme. De tradition orale, ces légendes tirées de faits divers ont vu leur aspect fantastique et spectaculaire s’amplifier par le bouche à oreille. Issues d’une époque marquée par l’obéissance au Parti, l’information officielle et le rationnement, les légendes apparaissent comme un espace de relâche dans lequel la mythologie populaire peut donner libre cours à sa fantaisie et se permettre les critiques interdites.

« L’Age d’or » est une célèbre formule officielle de Ceausescu pour défendre l’image du pays à l’international. Formule fourre-tout, elle dissimule des situations sociales dramatiques dont le Parti va néanmoins tenter de prendre la mesure. Fuyant tout misérabilisme, c’est par un regard décalé et humoristique que ressort le tragique des situations. De la visite officielle dans un village et son folklore (La Légende de la visite officielle) qui tourne au drame, au membre du Parti qui court alphabétiser les régions reculées mais ne met pas en pratique ses propres conseils (La Légende de l’activiste zélé), jusqu’à d’étranges préparatifs de Noël (La Légende du policier avide) et la mise en place de la propagande (La Légende du photographe officiel), les Contes mettent en scène des personnages ordinaires confrontés à des situations qui dépassent l’entendement. Si le film cite volontairement le cinéma populaire italien des années soixante, c’est vers le burlesque qu’il tend surtout. Monsieur Tout-le-monde est bloqué dans une situation inconnue et peut soit se laisser noyer, soit s’adapter. C’est autour de cette adaptation que va se jouer le film, usant de l’absurde comme solution aux problèmes. Un village trop campagnard devient un décor dont les arbres sont repeints et sur lesquels on dispose des fruits hors saison. On cherche comment tuer en silence un cochon dans un appartement ou à repositionner le chapeau de Ceausescu sur les photographies officielles. L’obéissance aveugle aux ordres étranges du Parti confrontée aux nécessités du quotidien donne lieu à des scènes cocasses. Car, pour ne pas sombrer sous le poids du réel, il vaut mieux en rire.

Alors évidemment, Contes de l’âge d’or n’évite pas les écueils du film à sketches. Transitions malhabiles entre les différentes parties, problèmes de rythmes (ralentissement certain au début de chaque légende) et surtout qualité inégale des sketches. Mais finalement qu’importe, le propos et l’atmosphère générale burlesque l’emportent. Il y a un véritable plaisir à tourner les pages d’une histoire non officielle de la Roumanie comme on tournerait celle d’un recueil de nouvelles. Plus que de la chronique historique, ce sont des Nouvelles extraordinaires de Poe ou surtout des Contes de Maupassant que se rapproche le film. On retrouve ici la description du contexte social pesant et cette dimension de la chute brutale et parfois teintée d’ironie de l’histoire. Témoignage subjectif des années passées derrière le Rideau de fer, Contes de l’âge d’or panse les plaies encore vives d’un pays par le rire et le mythe.

Titre original : Amintiri din Epoca de Aur

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Durée : 80 mn


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