Notre jour viendra

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Romain Gavras s’offre un road-movie désespéré en guise de premier film. Lorgnant du côté des « Valseuses » de Blier, mais sans ses trouvailles, de rythme comme d’écriture, ses provocations ennuient, façon pétards mouillés. Dommage, à défaut d’une voix, le jeune cinéaste a un oeil…

Le souci avec les films en forme de quête désespérée, façon brûlot anti-bourgeois, c’est qu’à un moment ou à un autre, forcément, on attend une déflagration. Et… le souci avec "Notre jour viendra", premier long métrage de Romain Gavras, c’est qu’il n’y en a pas. Pschiiit : en guise de bombe, c’est, au mieux, un pétard mouillé.

Certes, tout au long de ce road-movie flottant, baladant ses deux acolytes pathétiques dans la lumière opale de la région Nord, nul doute n’est possible : le co-fondateur du collectif Kourtrajmé s’est engagé, une fois encore après ses clips polémiques, dans la veine provocatrice. L’argument du départ est d’ailleurs aussi étrange qu’absurde (et pourquoi pas ?) : ses deux personnages principaux, Patrick et Rémy, s’unissent pour combattre le monde parce qu’ils sont roux, donc ostracisés et malheureux. Naturellement, derrière ce prétexte d’un racisme anti-roux, plus ou moins drôle, se niche la révolte de deux post-adolescents au bord du suicide social. L’un, Vincent Cassel (cabotinant comme jamais) étant plus âgé que l’autre, Olivier Barthélémy (plus poétique, plus subtil, donc plus intéressant).

Le hic, c’est que ce décalage générationnel – un quadra, un djeunes – est l’unique ressort dramaturgique de ce film décousu. C’est peu dire que l’on se fiche, très vite, de leur quête d’un Eldorado improbable (l’Irlande, accorte patrie qui, elle, ne sent pas le roussi cela va sans dire) ! Seule la curieuse amitié masculine qui se noue entre les deux hommes doit happer notre attention. De fait, elle oscille, tangue plutôt, d’une relation maître/disciple voire père/fils au départ, à quelque chose de plus ambigu ; l’aîné, dandy-loser dégarni, ne cessant de dire au plus jeune qu’il est homo (rien de grave, hein, juste une blague lourdaude de garçons un peu perdus…).

Bien écrite, judicieusement distillée, tel un poison troublant, cette dimension psychologique et sexuelle aurait pu nourrir, en effet, la tension malsaine que Gavras cherche, de toute évidence, à maintenir de bout en bout. Hélas, n’est pas Bertrand Blier qui veut (on pense aux Valseuses, le prénom de Patrick sonnant comme une évidence) ! Ni même Joël Seria d’ailleurs (cinéaste injustement oublié des savoureuses Galettes de Pont Aven)…

Plat pays

Le vagabondage de ces deux anti-héros, vaguement monstrueux, est à peu près aussi plat que le pays qui les accueille, leur verbe et leur haine paresseuse enfilant les clichés les plus éculés. Pour preuve, le plantage absolu de la scène qui se veut, pourtant, la plus embarrassante, à savoir celle du jacuzzi, avec un couple dont la femme est handicapée. Romain Gavras la filme comme un acte gratuit (en effet), comble sans doute de la posture nihiliste de ses personnages comme de son long métrage. En réalité, c’est superfétatoire et lassant. Or, l’on doute que le but poursuivi par l’équipe de "Notre jour viendra" soit de provoquer l’ennui.

L’enjeu salutaire de la provoc’ étant de créer une réaction, on peut espérer que le jeune cinéaste saura évoluer, à l’avenir, vers un cinéma qui ne soit pas constitué uniquement de postures (pseudo-punk), ni de bribes de discours (volontairement déplaisants). Car au-delà de ces écueils, Romain Gavras possède malgré tout un sens du cadre et de la mise en scène à nul autre pareil (moins convenu, en l’occurrence, que celui de son camarade Kim Chapiron). Ses paysages, ses routes, ses plages du nord de la France possèdent, ainsi, une puissance et une beauté vivifiantes. C’est là qu’il trouve sa liberté, bien plus que dans l’outrance poseuse de son ton. Iconoclaste, pour le coup et littéralement : Gavras a un œil, il ne lui manque plus qu’à trouver sa voix. Et alors, peut-être, il explosera.

Titre original : Notre jour viendra

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Durée : 95 mn


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