Les Contes de Terremer (Gedo senki)

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Confier le dernier-né des studios Ghibli à Goro Miyazaki, fils de Hayao Miyazaki, ne relève ni de la gageure, ni de népotisme, tant le métrage est maîtrisé et personnel. La force d’un film réussi réside avant tout dans sa capacité à trouver sa voie, son envol et sa spécificité. Si Les Contes de Terremer s’inscrit […]

Confier le dernier-né des studios Ghibli à Goro Miyazaki, fils de Hayao Miyazaki, ne relève ni de la gageure, ni de népotisme, tant le métrage est maîtrisé et personnel. La force d’un film réussi réside avant tout dans sa capacité à trouver sa voie, son envol et sa spécificité. Si Les Contes de Terremer s’inscrit dans une continuité graphique indiscutable, il est certain aussi que l’évolution des codes narratifs vers un resserrement de l’histoire et de ses enjeux entraîne une autre approche du monde envisagé. L’intérêt d’un tel film tient évidemment dans la capacité d’un studio à proposer autre chose que du « Miyazaki bis », tout en restant cohérent avec les thèmes qui font la force et la magie de ce cinéma. De ce point de vue, Les Contes de Terremer est une réussite indéniable.

En recentrant son histoire autour des peurs d’un adolescent venant de commettre un parricide, Goro Miyazaki nous livre un voyage intérieur sombre, d’une profondeur touchante. Si les symboliques du film d’héroic fantasy sont respectées (dragon, magie, héros en devenir, monde instable), nous suivons le cheminement d’un anti-héros rongé par une mélancolie qui lui meurtrit le cœur et l’âme. A travers un traitement linéaire qui manque peut-être de dynamisme, le réalisateur s’attarde sur les errances du jeune Arren. Celui-ci est torturé, effacé, résigné, mais trouvera, lors de ses différentes rencontres, un soutien salutaire. Sauvé des loups par l’archimage Epervier, lui-même sorti de sa réserve afin de rétablir l’équilibre d’un monde menacé par le terrible sorcier Cob, Arren sera guidé par ce sorcier charismatique. Malgré certaines longueurs qui ont le mérite de creuser la détresse psychologique du jeune garçon, le film se laisse guider par quelques décrochages. De rencontres fortuites en scènes d’action maîtrisées, Goro Miyazaki arrive à briser une trame parfois trop simpliste. La rencontre avec Therru, jeune fille énigmatique et farouche, sera l’occasion de lier une relation d’une grande intensité narrative.

Là où Miyazaki « père » aurait fait une héroïne singulière dans ce monde qui s’effondre, le fils préfère instaurer un dialogue sur la peur de la vie et les souffrances qui en résultent. Guide spirituel, l’Epervier disparaît alors au profit de cette amitié naissante. Lorsque Arren combat Epervier dans le château du sorcier, il tombe en pleurs dans les bras de son mentor. Scène d’une grande intensité, elle montre Arren en lutte non pas contre les autres, mais contre lui-même. Ce qui est vrai pour Arren l’est également pour le sorcier : d’un traitement un peu caricatural au début du film, elle s’avère être rongée par l’idée de la mort. Humaine jusqu’à la fin, elle supporte le choix d’un cinéaste contre toute tentative de manichéisme primaire. Le climax final, terrifiant et féerique, ressemble à une renaissance porteuse d’un nouvel équilibre. Subjugués par tant de beauté et de pudeur sincère, nous sommes conquis par ce parti pris de film anti-spectaculaire.

Si la fluidité de l’animation, la grâce des personnages, la poésie de certaines scènes (la complainte a capella de la jeune Therru est touchante d’émotion), le graphisme « maison » et la beauté des décors font des Contes de Terremer une vraie production Ghibli, le scénario épuré et simpliste conduit plutôt le long métrage vers le conte philosophique. Les enjeux du monde de Terremer, pourtant présents, sont relayés en arrière-plan et le spectateur se retrouve devant un spectacle dont la poésie le touche. Finalement, Les Contes de Terremer est un film d’une modernité saisissante. Parabole réussie sur l’absurdité d’une vie sociale en perte de repères, seuls l’amitié et l’amour des autres donneront les réponses à la peur, aux doutes et aux dualités destructrices qui frappent les êtres.

Titre original : Gedo senki

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Durée : 115 mn


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