Funny Games

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Alors, l’original ou la photocopie ? La discussion est ouverte… ou pas.

Edité par DVD 9, sortie le 16 Avril 2008.

Quel intérêt y avait-il pour Michaël Haneke à reproduire – quasiment – à l’identique le film qui fit sa renommée internationale (ainsi que sa réputation de cinéaste ambigüe) ? Tentative d’auto-référencement auteuriste (Hitchcock le british a bien refait L’homme qui en savait trop version «states ») ? Prétention à rejoindre Van Sant dans l’idée que le même amène toujours un peu du « plus » ou du « moins » (Psycho 98) ? Toujours est-il que la vision de ce Funny Games d’origine, dix ans après sa sortie, à l’heure de la version "US" (où Susanne Lothar devient Naomi Watts, et feu Ulrich Mühe, Tim Roth), ne lui fait pas honneur. Que dire, sinon que l’original apparaît désormais comme une simple ébauche, un essai en attente d’une forme de reconnaissance au-delà des seules consciences autrichiennes ?

Le cinéaste ne manque pas de préciser dans le dossier de presse de la version 2008 que le film trouve aujourd’hui sa véritable portée, que le public américain – en gros, celui qui s’extasie devant les giclées fun de Pulp Fiction – était déjà la véritable cible de son œuvre originale. Difficile, à partir de là, de voir en ce Funny Games autre chose qu’une expérimentation sur la visibilité du Mal, avec mise à mal morale du spectateur, espoir vite déçu de voir les victimes prendre le pouvoir sur les bourreaux, etc… Esthétiquement maîtrisé, théoriquement intéressant, cinématographiquement assez faible en ce sens que, très tôt, le film se trouve prisonnier de son intention, que tout laisse entrevoir une excessive volonté de « faire réagir » davantage que séduire par l’épanouissement progressif d’un récit.

Dans le même genre de l’exploitation du filon « sadique », un film ultérieur comme La pianiste (2000, Grand prix du jury, Prix d’interprétation masculine à Benoit Magimel et féminine à Isabelle Huppert, au festival de Cannes 2001) se révèlera plus stimulant par son intéressante adhésion à la folie progressive de ses « héros », son mélange de neutralité et de furie presque comique dans l’approche des pulsions « sado-maso » de personnages particulièrement antipathiques. Le talent réel et singulier d’Haneke n’est jamais aussi manifeste que lorsqu’il n’esquive pas l’incarnation, la dimension « physique » de ses récits au profit d’une abstraction sociologique (Code inconnu, 2000 ; 71 fragments d’une chronologie du hasard, 1994, pourtant intéressant) ou d’une recherche expérimentale finalement rattrapée par sa propre intelligence (ce Funny Games, donc ; la résolution décevante du passionnant Caché, 2005).

Reste la qualité des acteurs, pas moins bons au fond que leurs « remplaçants » (mention spéciale à Arno Frisch et Franck Giering, qui donnent corps à des figures de têtes à claque parfois hilarantes), la force et l’aboutissement de l’idée de départ, qui se verra effectivement renforcée en tous points dans sa finalement très indépendante reprise…

Bonus : Un entretien avec  Michaël Haneke, mené par Serge Toubiana, permettant d’attester de l’extrême minutie du cinéaste, ainsi que de sa place unique dans le cinéma contemporain.

Titre original : Funny Games

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Durée : 103 mn


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